L’université et le bâillon

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« If I could speak I’d sing… »
Lake Crimson

Le secrétariat d’État à l’enseignement supérieur et à la recherche a publié le 9 mai 2017 une circulaire fixant pour règle aux universités d’accorder la protection fonctionnelle aux enseignants-chercheurs attaqués en justice pour diffamation. Le 9 mai, soit le lendemain de l’élection d’un nouveau président et à la veille d’un changement de gouvernement. De quoi se rassurer un peu sur la capacité d’un gouvernement à agir jusqu’au bout. Ce contexte de publication ne facilitera pas la publicité d’une mesure, que l’on pourra trouver très secondaire. S’agissant d’un texte visant à protéger les scientifiques contre les poursuites bâillons, un élément d’efficacité suppose pourtant de le faire connaître. Il faut en parler. Les aléas de la vie ont fait qu’ici même nous avons alerté sur le danger des poursuites bâillons, ces actions en justice dont la pertinence tient moins à la validité des raisons légales explicites d’un plaignant qu’à sa volonté d’intimider un adversaire en l’amenant devant un tribunal.

Lire aussi Anne-Cécile Robert, « L’État de droit, une notion faussement neutre », Le Monde diplomatique, mai 2017.Le procédé est dérangeant tant il prend cyniquement en défaut le principe formel d’égalité devant la justice, pourtant inscrit au fronton des tribunaux : le contentieux n’étant pas gratuit, les riches puissances privées, individuelles ou collectives, bénéficient d’un avantage structurel sur les plus modestes. Certes il est toujours loisible à ces derniers de se taire. Mais s’avisent-ils du contraire, ne serait-ce que par vocation professionnelle — celle des scientifiques —, qu’ils risquent de se heurter à des intérêts matériels. On a ainsi vu se développer depuis quelques décennies les poursuites bâillons, terme français — ou plutôt canadien — pour désigner les SLAPP (Strategic Lawsuit Against Public Participation (1) ), ces procédures plus fréquentes outre-Atlantique mais dont la menace s’étend.

Quand je fus attaqué en justice pour diffamation par M. Patrick Buisson, qui me réclamait la bagatelle de 160 000 euros, je ne connaissais même pas l’expression de poursuite bâillon et encore moins celle de SLAPP. Mes collègues juristes non plus qui me donnèrent alors l’adresse d’un « bon avocat ». Un ami du Monde diplomatique m’informa. En mettant le mot sur la situation, je me sentis moins seul. Un autre ami, président de tribunal administratif, m’indiqua l’existence de la procédure de protection fonctionnelle : elle n’était pas faite pour ces circonstances mais dans le cas où la responsabilité civile d’un agent de l’administration était engagée. Il estima qu’il y avait une chance sur deux pour qu’elle soit acceptée par l’université. Il fallait tenter. Je venais juste d’obtenir gain de cause en première instance — mais la poursuite bâillon ne serait pas cohérente si, en cas d’échec, le plaignant ne persistait pas. Avant le jugement en appel, ma demande fut acceptée par l’université. Je crois que ce fut la première fois que la protection fonctionnelle s’appliquait à la liberté d’expression. Une autre plainte en diffamation étant déposée contre moi par une société de conseil fiscal et son propriétaire — avant même le verdict en appel de la première affaire —, je réitérai une demande de protection fonctionnelle, qui fut refusée. Mon avocat évoquait toutefois une poursuite bâillon dans sa plaidoirie et le jugement ratifia l’expression. Pour la première fois, je crois.

Les dommages et intérêts accordés ne furent pas confirmés en appel et j’en étais donc pour mes frais. Il me semble que l’enregistrement judiciaire de l’expression de poursuite bâillon n’était pas négligeable même si je sais qu’il est facile de se moquer de ces victoires symboliques. D’autant plus qu’un article de la Revue des droits de l’homme prit partie pour une meilleur protection de la liberté d’expression des scientifiques (2). En juin 2016, j’eus l’occasion de présenter cette cause aux conseillers du nouveau secrétaire d’État Thierry Mandon (3). Celui-ci créa une commission d’enquête dont le travail a eu le mérite de préciser les risques et de s’engager en faveur d’une protection systématique des universitaires (4). La circulaire du 9 mai en est le premier résultat, même si la commission n’omet pas d’en signaler les limites (ne serait-ce que parce qu’elle ne protège qu’une catégorie de citoyens). Les bonnes nouvelles pour la liberté d’expression ne sont pas si nombreuses.

Pour saisir la portée de cette protection, il ne faut pas seulement considérer la partie visible de l’iceberg. Ici, faire la publicité de cette protection nouvelle peut suffire à prévenir des poursuites. Sachant que les universitaires sont désormais systématiquement protégés pour les interventions publiques dans le cadre de leur compétence, des puissances devraient renoncer à s’attaquer aux universités et non à un individu isolé. La rareté relative de ces poursuites peut encore susciter les sarcasmes de tous ceux qui, en pareille occasion, objectent toujours que l’on fait beaucoup de bruit pour rien. Pour ceux-là, on le sait, il y a toujours plus urgent ou beaucoup plus grave. Et encore de suggérer que c’est un encouragement à l’irresponsabilité. Or non seulement cette protection n’est pas inconditionnelle, au sens où elle ne vaut pas en cas de faute professionnelle, mais elle ne supprime pas les coûts moraux des poursuites pour ceux qui les subissent.

La commission a donc pointé les limites d’une telle mesure, limitée aux universitaires, mais il ne lui revenait pas de s’attaquer à cette étrange procédure par laquelle le plaignant peut déposer une plainte avec constitution de partie civile, impliquant une mise en examen automatique. Le versement d’une caution modeste ne saurait dissuader l’initiateur d’une poursuite bâillon qui l’entame justement parce qu’il est sûr de ses moyens financiers. Sans doute se console-t-on d’être mis en examen. Encore que dans les affaires politiques qui se succèdent (lire « De la vertu en politique »), on entend souvent des politiciens faire valoir qu’ils n’ont pas été mis en examen, comme si cela était une preuve d’innocence… Sachant qu’on peut l’être pour une accusation de diffamation, on appréciera la différence. Un candidat à la présidence de la République (François Fillon) a même pu utiliser l’argument de la (fausse) symétrie en faisant valoir, à une romancière (Christine Angot) qui évoquait sa mise en examen pour emplois fictifs, sa propre mise en examen pour diffamation. Les juges d’instruction n’aiment pas appliquer automatiquement cette mise en examen qu’ils signifient dans leur bureau à des journalistes ou universitaires qui n’ont rien à dire, sinon à acquiescer à leur état-civil. La procédure perdure cependant.

L’objection de la rareté (de telles procédures) tient d’autant moins qu’il est de bonnes raisons de craindre une amplification des poursuites bâillons étant donné l’agressivité de puissances privées et le régime d’opinion dans lequel nous vivons (et auquel ce blog se consacre). Les plaintes pour diffamation déposées en France contre Greenpeace par la société Socfin, exploitant forestier en Afrique ou par Résolu au Canada — qui réclame pas moins de 200 millions d’euros à Greenpeace Canada —, ne sont que des cas récents. D’autres secteurs économiques se distinguent par une certaine brutalité des actions judiciaires. Sans scrupule et au nom des milliards que les rapports critiques des scientifiques leur feraient perdre. « Das ist doux commerce », se moquaient déjà Marx et Engels devant les massacres coloniaux, ironisant sur la théorie du doux commerce de Montesquieu.

Lire aussi Pierre Bourdieu, « Pour un savoir engagé », Le Monde diplomatique, février 2002.Certes, on peut se féliciter que dans le monde moderne, des procédés plus expéditifs d’élimination de la critique aient été abandonnés. Enfin, pas dans tous les pays… Évidemment l’écart croissant des richesses ne favorise pas la civilisation des conflits. On peut craindre au contraire que les possibilités d’enrichissement rapide n’encouragent davantage à l’avenir la brutalité et la morgue. Les meilleures résolutions de la justice et des États resteront peu dissuasives tant que les règles cyniques du capitalisme prédateur — on peut gagner énormément, même en perdant sur le terrain judiciaire et en dépensant des frais d’avocats — resteront en vigueur. À quand un nouvel ordre moral bâti sur une subtile gestion financière des contentieux ?

Serait-ce trop attendre de la recherche universitaire qu’elle s’engage d’ores et déjà dans des voies plus combatives ou plus délicates quand tant d’objets d’étude sont négligés — trop sensibles ? — ou quand tant d’analyses pèchent par excès de prudence ? Il y a encore moins d’excuses aujourd’hui.

Le Sénat sur la piste des Terminator

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Terminator Exhibition : Hydrobot
cc Dick Thomas Johnson

Lire aussi Philippe Hugon, « Le Sahel entre deux feux djihadistes », Le Monde diplomatique, mars 2016.Ces engins sans pilotes embarqués, dits « de moyenne altitude, longue endurance » (MALE), sont des drones Reaper fabriqués par General Atomics, déployés en observation et recueil de renseignement, notamment sur le théâtre sahélien. Leur utilisation a été bridée, durant plusieurs années, par le fournisseur américain, qui exigeait la présence de ses agents sur site, pour les phases de décollage et atterrissage. La France se retrouvait ainsi dépendante des États-Unis à la fois pour la mise en œuvre du vecteur, l’architecture des systèmes, la maintenance de l’engin, la formation des personnels, etc.

Pour les sénateurs (1), l’armement de ces drones — qui n’avait pas été envisagé jusqu’ici — ne serait pas une révolution, mais constituerait un progrès majeur. Ils développent une série d’arguments en ce sens :

outre les États-Unis et Israël, leaders du secteur, de nombreux pays en disposent déjà, et les utilisent régulièrement, notamment au Proche-Orient ;

en Europe, le Royaume-Uni aligne 10 drones Reaper armés ; l’Italie a obtenu à la fin de 2015 l’autorisation américaine d’armer ses 6 Reaper ; et l’Allemagne a annoncé la location à partir de 2018 de 3 à 5 drones Héron TP israéliens armés (2) ;

hors d’Europe, de nombreux États utiliseraient également des drones armés : Pakistan, Irak, Iran, Nigeria, Arabie Saoudite, Émirats arabes unis, Égypte, Turquie…

par ailleurs, les drones MALE des forces françaises sont déjà présents dans la boucle des missions de frappe aérienne, car les pilotes et opérateurs de drones « illuminent » les cibles des missiles Hellfire des hélicoptères et des bombes laser des Mirages 2000 D ;

l’armement des drones améliorerait l’efficacité des forces et soulagerait l’aviation, car « l’endurance exceptionnelle du drone MALE lui permet, dans la profondeur d’un théâtre d’opérations, d’attendre le dévoilement des cibles dissimulées et d’observer longuement leur environnement » ;

l’emport de missiles ou de bombes guidées permettrait ainsi de « réduire la boucle » entre le repérage et la neutralisation, économisant la durée nécessaire à l’arrivée de l’avion ou de l’hélicoptère (durée qui peut être très significative sur un théâtre aussi immense que la bande sahélo-saharienne).

l’efficacité et la précision du traitement de la cible pourraient être optimisées : « Un drone armé pourrait par exemple « traiter » une cache d’armes au moment où des combattants y accèdent (alors que ceux-ci auraient probablement le temps, s’il fallait attendre l’arrivée d’un avion, de se disperser ou de se déplacer vers une zone densément habitée, rendant toute frappe impossible) » ;

la frappe aérienne via le drone permettrait « sans conteste » de diminuer de manière très importante le risque de dommages collatéraux, le pilote du drone ayant une idée très claire et directe de l’état du terrain sur lequel il va déclencher son tir ;

la présence de drones armés en soutien permanent des forces au sol permettrait de les dégager plus rapidement d’une embuscade : le drame de l’embuscade d’Uzbin (3) n’aurait peut-être pas eu lieu si un drone avait appuyé et renseigné les forces au sol. Retour d’une mission d’information à Niamey, le sénateur Cédric Perrin, co-président du groupe de travail qui a accouché de ce rapport, assure avoir « senti l’angoisse des équipages des drones à l’idée qu’ils puissent, faute d’armement, être de simples spectateurs au-dessus d’un théâtre où leurs collègues seraient pris à partie ».

en dehors de ces cas de frappes « d’opportunité », les drones armés peuvent également être employés pour « surveiller et suivre dans la durée une cible de haute valeur sur un théâtre d’opérations, puis la neutraliser quand les conditions sont réunies » ;

enfin, il s’agirait de soulager une aviation de combat et des ravitailleurs déjà employés au maximum de leurs capacités. Les « cibles d’opportunité » ou celles n’exigeant qu’une puissance de feu réduite pourraient ainsi être « avantageusement “traitées” par des drones ».

Guerre sans risque

Lire aussi Grégoire Chamayou, « Drone et kamikaze, jeu de miroirs », Le Monde diplomatique, avril 2013.Les auteurs du rapport sont conscients des réticences manifestées en France sur cette question de l’armement des drones — ces « engins volants sans humains » (UAV), pour reprendre la terminologie américaine. Ils font valoir que la France ne possède que quelques drones MALE (une douzaine à terme) — un faible nombre qui interdit de facto d’opter pour la politique d’utilisation massive des drones armés. Ou encore que l’armée de l’air pilote les drones in situ, sur les zones de conflit (et non à distance, comme les Américains), ce qui relativisait — selon eux — l’idée d’une « guerre sans risques », à l’origine de nombreuses critiques.

Et surtout que les règles d’engagement de ces engins passeraient par les mêmes conditions que pour les autres armes : consentement du pays, légitimation par le Conseil de sécurité des Nations unies, légitime défense, discrimination entre combattants et civils, proportionnalité de la force, utilisation dans le cadre d’un conflit (et non pas « à froid ») etc. — toutes règles qui interdisent clairement les « exécutions extrajudiciaires », condamnées officiellement par la plupart des États, dont la France.

Rappelons que, le 29 mai dernier, une équipe de journalistes du Wall Street Journal

affirmait que des éléments des forces spéciales françaises déployées actuellement près de Mossoul, auraient établi ces dernières semaines une liste d’une vingtaine de djihadistes de nationalité française, et demandé aux forces irakiennes de les « neutraliser » à leur place, pour éviter de tomber eux-mêmes sous le coup de cette condamnation.

Petits arrangements

Cité par Ouest-France, Vincent Nouzille, auteur du livre « Les tueurs de la République » (Fayard, 2015), juge cette information tout à fait crédible, en dépit des démentis officiels, et rappelle que les régimes français éliminent depuis des années des terroristes qui menacent la France, ses ressortissants et ses intérêts. Selon lui, Nicolas Sarkozy « avait décidé d’employer des moyens militaires plus offensifs et plus visibles, notamment les forces spéciales, pour mener des raids lors de prises d’otages et traquer des cibles de haute valeur pour les éliminer. Suivant comme Nicolas Sarkozy les méthodes américaines, François Hollande s’est transformé en chef de guerre clandestine en 2013 au Sahel, donnant des consignes « d’éradication » et des ordres d’exécutions visant plusieurs dizaines de chefs terroristes ».

Aujourd’hui, en Irak-Syrie, le partage de listes d’objectifs entre Américains et Français se pratique couramment : « La répartition se fait au sein de l’état-major au Qatar, en fonction des moyens militaires disponibles », précisait Vincent Nouzille le 20 mai dernier, lors des Rencontres de l’Institut des hautes études de défense nationale (IHEDN), dans l’enceinte de l’École militaire.

« Ces petits arrangements (échanges de renseignements sur les cibles et sous-traitance des frappes) entre amis de la coalition anti-Daech permettent donc de contourner les lois nationales et le droit international humanitaire », écrit Ouest-France. « Et, surtout, de mettre hors d’état de nuire des djihadistes occidentaux à la motivation et aux compétences des plus inquiétantes ».

Prévenir certaines critiques infondées

Mais les auteurs du rapport sénatorial sur les drones mettent surtout en avant une série de « mesures de transparence » qu’il conviendrait de prendre pour « prévenir certaines critiques infondées » et « garantir ainsi tant le soutien de la population du pays utilisateur [de drones armés] que l’efficacité militaire à long terme de cette technologie ».

Dans la pratique, il s’agirait de « trouver un équilibre entre la transparence indispensable (pour ne pas engendrer de la suspicion et des réactions disproportionnées) et le secret (permettant de préserver les intérêts nationaux) ». À charge, pour le ministère de la défense ou l’état-major des armées de :

communiquer pour expliquer que les éventuelles frappes de drones des armées françaises ont bien lieu en accord avec les règles de droit international applicables, et sont soumis aux mêmes règles d’engagements que les autres moyens employés ;

éventuellement, communiquer ex-ante sur les normes de ciblage ou ex-post sur les frappes menées au cours de conflits ;

« en cas d’éventuel dommage collatéral d’ampleur » causé par un drone armé, rendre publics les résultats des investigations menées, « sauf considérations opérationnelles » ;

discuter avec les partenaires de la France sur d’éventuelles lignes directrices communes pour l’usage des drones ;

enfin publier des données sur « l’impact et l’efficacité des attaques éventuelles de drones en termes de combattants ennemis neutralisés, d’éventuels dommages collatéraux, et d’effets à long terme dans les pays concernés ».

Évidemment, aujourd’hui, on est assez loin du compte. Les auteurs du rapport sénatorial conviennent d’ailleurs que la question de l’armement des drones français pourrait faire l’objet… d’un débat au Parlement — ce qui serait bien le moins. Et qu’en outre, « il sera probablement nécessaire d’obtenir l’accord de l’administration et du Congrès américains » pour adapter les Reaper français (4).

Good Kill ?

Au cours des débats en commission qui ont suivi la présentation de son rapport, le sénateur Cédric Perrin a évoqué le risque de confusion entre une arme et la manière de s’en servir : « On sait que l’emploi des drones armés au Pakistan, au Yémen ou encore en Somalie a soulevé des questions de légalité internationale. C’est ce que j’appelle le syndrome Good Kill, du nom du film que vous avez peut-être vu. Ce qui a fait débat sous l’administration Obama, c’est l’utilisation de drones en dehors du cadre d’opérations militaires et de conflits armés, sans que le pays concerné ait forcément donné son accord explicite, pour des opérations clandestines de recueil de renseignement et des frappes ciblées ».

Les États-Unis se sont appuyés de manière très extensive sur la notion de légitime défense. Le statut des opérateurs de drones a également fait l’objet de débats. À la suite de ces débats, le président Obama a finalement dû annoncer en avril 2016 quelques mesures de transparence, telles que la publication du nombre de frappes de drones et de victimes, ainsi que celle du cadre juridique des interventions. Quelques mesures ont également été prises par le gouvernement britannique.

Les sénateurs concluent que les drones sont aujourd’hui au cœur de tous les dispositifs opérationnels de la France dans la lutte contre les groupes armés terroristes sur l’ensemble de la bande sahélo-saharienne, et qu’ils ont « vocation à occuper une place centrale dans toutes les opérations extérieures menées en territoire permissif, étant particulièrement adaptés contre un ennemi non étatique, fugace, qui nécessite une maîtrise aussi complète que possible de la dimension renseignement. »

Armer les drones pour rendre les forces françaises plus réactives et plus efficaces constituerait, selon eux, une étape logique supplémentaire, afin de tirer pleinement parti de leur potentiel. Les sénateurs plaident pour une « montée en puissance » des drones au sein des forces armées françaises, qui requiert aussi une véritable valorisation de la filière « drones » au niveau industriel ; et au niveau politique, une impulsion forte en faveur des filières européenne de drones, qui sont un sujet majeur pour l’Europe de la défense.

Contre-feu

Lire aussi Édouard Pflimlin, « Les Nations unies contre Terminator », Le Monde diplomatique, mars 2017.Les auteurs du rapport sénatorial ont allumé un dernier contre-feu : ils craignent qu’on confonde les drones armés — gentils, respectueux des lois et règlements, etc. — et les robots ou « systèmes d’armes létaux autonomes », dits « SALA », qui seront la prochaine génération : « Un drone armé n’est pas habité, explique Cédric Perrin, mais il est bel et bien piloté par un humain, qui déclenche manuellement le tir. Parler ici de “déshumanisation” de la guerre n’est donc pas justifié. Quand ils existeront, les systèmes véritablement autonomes poseront certes des problèmes juridiques et éthiques plus complexes, mais nous n’en sommes pas encore là ».

À l’Observatoire des armements, on craint cependant de ne pas en être loin : au rythme des développements technologiques en cours, les « robots automatisés à tuer » pourraient « devenir la norme sur le champ de bataille urbain » à l’horizon 2030, affirme Tony Fortin, dans Damoclès. Ces robots seront « multi-missions », pouvant prendre à la fois en charge le renseignement, le suivi des cibles et le tir sur l’ennemi de façon autonome. Et, dans cette guerre robotisée, le Future Combat Air System (FCAS) franco-britannique pourrait remplacer l’actuel Rafale (5).

Damoclès explique que, déjà, les « mises en réseau » entre les différents véhicules, la base et le satellite — à travers la numérisation du champ de bataille — permettent de produire en temps réel une représentation de l’ennemi : la guerre centrée sur le partage de l’information « aboutit à la désignation des ennemis dans un temps très court ; en cela, elle facilite le recours aux assassinats ciblés… ».

Mais le futur sera plus dangereux encore : « En travaillant à l’avènement de ce robot autonome, la France concourt à faire du monde un champ de bataille où plus personne ne sera en mesure de se sentir en sécurité. Ni les frontières, ni les Conventions de Genève, ni un soulèvement citoyen ne seront en mesure d’arrêter la banalisation de l’assassinat qu’une prolifération de ces robots tueurs provoquera, à la fois dans le cadre civil et militaire, et [d’empêcher] “l’Hiroshima technologique” qu’impliquera leur dérèglement possible »« Un monde peuplé de Terminator, est-ce le futur que nous voulons ? »

« Africa My Name’s Job » : quand l’art fait de l’économie

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« Sueur et co. »
© Tchif, 2017

L’artiste Tchif, Béninois quadragénaire, est emblématique d’une génération qui se moque éperdument de savoir comment les anciennes métropoles coloniales voient l’Afrique, mais se préoccupe de dire comment elle-même se perçoit et s’envisage dans le monde.

Rue de Seine, à la galerie parisienne Vallois, il a exposé en mai son nouveau travail photographique : Africa My Name’s Job (jeu de mot sur « Afrique, mon nom est Travail » et « Mon nom est Job »). Cette série d’autoportraits mélange noir et blanc et couleurs, lui permettant de rester dans ses compositions habituelles de peintre. Il incarne dans les rues de sa ville, la capitale économique du Bénin, toute la panoplie de petits métiers du secteur informel qui permettent aux gens ordinaires de survivre. Vendeur de kpayo (essence frelatée en provenance du Nigeria voisin), de tomates, de tabac, zemidijan (taxi-moto), mécanicien en bleu de travail…

Tchif ne veut pas simplement rendre hommage à la résilience de ses contemporains et à une vie sans autre perspective d’avenir que le prochain billet de 10 000 francs CFA. « En fait, dit-il, cette situation n’est pas ce que je souhaite pour l’Afrique, où la vie devrait être plus confortable parce que le continent regorge de richesses. Les matières premières viennent de nos pays, mais nous ne produisons rien. Le café nous revient sous forme de Nescafé et le coton sous forme de serviettes fabriquées ailleurs. L’Afrique ne peut pas continuer comme ça. Elle doit s’organiser autrement et créer ses industries ».

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« Tomate »
© Tchif, 2017

Cette série sera exposée à Cotonou en juin, avant qu’il ne termine ce travail au Bénin puis s’attaque aux variantes du même thème dans d’autres capitales africaines. Des marchandes d’arachides à Dakar aux vendeurs de lunettes de soleil contrefaites à Abidjan, de sachets d’eau à Kinshasa ou de plumeaux en plumes d’autruche à Johannesburg, il veut partir à la découverte de populations pour lesquelles chaque centime compte. Son objectif : participer à une prise de conscience, sans céder au misérabilisme.

Repenser le rôle du secteur informel

Lire aussi Sabine Cessou, « Le poids du secteur informel en Afrique », Le Monde diplomatique, octobre 2015.Son propos est en phase avec ceux, plus académiques, que tient Felwine Sarr, économiste et écrivain sénégalais, selon lequel le secteur informel doit cesser d’être vu sous un angle négatif : « Au lieu d’examiner cette économie pour ce qu’elle est, on ne cesse de la prendre pour ce qu’elle aurait dû être »

Il fait la jonction, comme d’autres, entre les nouveaux termes d’un débat tel qu’il est posé par certains artistes, et les réflexions en cours dans les milieux académiques — portées notamment par Ecrire l’Afrique-monde, premiers actes des Ateliers de la pensée organisés en octobre dernier à Dakar par Achille Mbembe et Felwine Sarr, et qui viennent d’être publiés chez Jimsaan et Philippe Rey.

Ancien caricaturiste de presse, Tchif s’est d’abord fait connaître par la puissance poétique de ses toiles, exposées du Brésil et au Nigeria en passant par Dubaï et les États-Unis, sans oublier Paris Art Fair cette année. « Des paysages vus du ciel, des planètes, de nouveaux territoires »… Voilà comment il décrit son travail, un sourire en coin. Soucieux d’aller toujours plus loin, il voit plus grand qu’un marché de l’art contemporain « où l’on croit que les artistes africains sont des analphabètes », dit-il. Regrettant l’absence de toute école des Beaux-Arts au Bénin, il a lancé en 2007 au centre de Cotonou un Espace qui porte son nom. Une entreprise culturelle qu’il conçoit comme une scène indépendante, alternative au Centre culturel français (CCF), un lieu d’apprentissage et d’échanges.

Trump fait du bien à la presse

Porté par la saga Donald Trump, le New York Times a enregistré au premier trimestre un gain net de 348.000 abonnés en ligne, un record, mais s’attend à un ralentissement au deuxième trimestre. L’élection présidentielle et l’arrivée de Donald Trump à la Maison Blanche ont soutenu l’intérêt du public pour l’information et permis au New York Times de revendiquer, à fin mars, 2,2 millions d’abonnés au seul service en ligne, soit une hausse de 62% sur un an.  Le nouveau président entretient une relation complexe avec le célèbre quotidien new-yorkais, qu’il critique très régulièrement dans des termes forts tout en accordant souvent des entretiens à ses journalistes.  « Le New York Times, en perdition, est une honte pour les médias. Ils ne me comprennent pas depuis deux bonnes années. Changer les lois sur la diffamation ? », a notamment tweeté Donald Trump, début avril.  Quelque 308.000 des abonnés gagnés en net souscrivent au site d’information en ligne, et le solde, soit 40.000, n’a accès qu’aux mots croisés.  Le groupe de presse prévoit de gagner des abonnés supplémentaires au deuxième trimestre, mais à un rythme moins élevé que sur les deux trimestres précédents, a-t-il indiqué dans un communiqué publié mercredi.  Les revenus tirés des éditions papier ou des abonnements au site d’informations en ligne ont crû de 11,2% sur un an, à 242 millions de dollars, compensant le repli des recettes publicitaires.  Bien que les abonnés au seul service en ligne constituent désormais près des trois quarts du portefeuille du New York Times, ils ne pèsent cependant que 31,2% du chiffre d’affaires tiré des abonnements et de la vente des éditions papier.  Autre élément qui relativise la progression du portefeuille, le revenu moyen par abonné au seul service en ligne est en baisse de 10% sur un an.  Sur le plan publicitaire, le chiffre d’affaires des éditions imprimées a baissé de 17,9%, en incluant les petites annonces, une chute partiellement contrebalancée par les revenus publicitaires en ligne, en progression de 18,9% mais qui ne représentent encore que 38% du total.  Au total, le chiffre d’affaires est en hausse de 5,1% à 398 millions de dollars.  Au premier trimestre, le New York Times a enregistré un bénéfice net de 13,1 millions de dollars, contre un perte de 13,5 millions pour la même période de 2016.

Le Périgord en montgolfière

L’actualité ne prête décidément pas à sourire, et c’est pourquoi, je vous propose une échappée intellectuelle, commémoration d’une envolée fabuleuse. En août dernier, j’ai en effet effectué une expérience à laquelle je repense souvent. J’ai en effet observé la terre d’un point de vue unique lors d’un baptême de l’air en ballon. Ca s’est passé à la campagne, et les événements de ce moment me reviennent régulièrement en mémoire. Je repense à ce matin, attendant dans un pré , pendant que l’équipe organisatrice mettait en place le ballon sur le sol. L’heure était matinale et ma femme et moi tremblions dans l’air glacial du matin. Après un long moment, nous avons enfin pu embarquer dans la nacelle et nous regrouper autour du brûleur. Mais je revois surtout cette minute prodigieux où la nacelle a enfin quitté la terre pour s’élever tout en douceur. Et à mesure que nous prenions de l’altitude, j’ai pris une claque. Je serais incapable de vous expliquer à quel point le monde peut ressembler à un décor, vu d’en haut. Dans Le Cercle des poètes disparus, il y a une scène que j’aime vraiment. C’est quand feu Robin Williams grimpe sur son bureau et explique à ses apprentis-poètes qu’il faut savoir regarder sous un angle différent ». C’est ce qu’était ce vol en montgolfière, d’une certaine manière : une manière de percevoir le monde sous un angle original.Le vol en montgolfière est une expérience merveilleuse. Et différent, je peux vous garantir que le monde est étrange, pour peu qu’on l’admire de là-haut ! Vous avez déjà contemplé notre planète depuis le hublot d’un Airbus ? Eh bien, c’est comme comparer un vieux téléviseur en noir et blanc et un écran Full 3D ! Parce que là, il n’y a pas une paroi de verre pour vous séparer du monde ; vous pouvez sentir le vent sur votre peau, humer l’air pur, vous admirez la terre qui se rehausse d’or tandis que le soleil étend ses rayons. C’en est presque mystique. Cette expérience s’est déroulé il y a plusieurs mois et j’y repense souvent, quand je perds des heures dans les embouteillages. Ce baptême en ballon est devenu une manière de m’extraire des petits ennuis qui jalonnent la vie au quotidien. Ca met du baume au coeur. Si la possibilité, je vous conseille vivement d’essayer.A lire sur le site internet de cette expérience de vol en montgolfière dans le Périgord.

Des champignons de l’époque des dinosaures découverts dans de l’ambre

En Birmanie, une équipe de scientifiques a découvert des fragments d’ambre dans lesquels étaient conservés divers champignons proches des amanites et des russules.  Des paléontologues ont retrouvé en Birmanie des fragments d’ambre contenant des sporophores de champignons proches des amanites et des russules, ainsi que des insectes qui les mangeaient et qui ressemblent à des Mycetophagidae, est-il raconté dans une étude publiée dans le journal Nature Communications.  « La découverte simultanée de quatre sporophores de champignons de forme assez contemporaine atteste du fait que leur évolution s’est arrêtée pour une raison inconnue il y a quelque 120 millions d’années. Les champignons et les insectes ont semble-t-il établi des relations mutuellement avantageuses dès le Crétacé (une période géologique qui se termine par la disparition des dinosaures non aviens et de nombreuses autres formes de vie, ndlr) et n’ont pas changé depuis lors », estime Chenyang Cai de l’Institut de géologie et de paléontologie de Nankin (Chine) et ses collègues.  Les champignons ont fait leur apparition en même temps que les végétaux et les animaux, bien que leurs traces soient très difficilement retrouvables. Les premières traces de champignons datent du Carbonifère.  Les paléontologues ont réussi à ajouter à la collection cinq trouvailles uniques en leur genre : des sporophores confinés dans de l’ambre et qui ont été ainsi conservés. Tous les morceaux ont été découverts dans le nord du Myanmar. Outre les champignons, les scientifiques ont découvert des insectes (de l’espèce des Oxyporus), datant également de l’époque des dinosaures, qui sont beaucoup plus grands comparativement à leurs confrères d’aujourd’hui, atteignant presque deux centimètres de long, soit deux fois plus grands que leurs descendants.  Les sporophores découverts ressemblent bien à l’espèce des Dikarya, qui comprend les amanites, les russules et les girolles.  L’absence de changements anatomiques sérieux tant chez les insectes que chez les sporophores a laissé conclure que les deux groupes avaient commencé à coexister il y a des centaines de millions d’années, se servant les uns des autres pour survivre et se propager. En Birmanie, une équipe de scientifiques a découvert des fragments d’ambre dans lesquels étaient conservés divers champignons proches des amanites et des russules.  Des paléontologues ont retrouvé en Birmanie des fragments d’ambre contenant des sporophores de champignons proches des amanites et des russules, ainsi que des insectes qui les mangeaient et qui ressemblent à des Mycetophagidae, est-il raconté dans une étude publiée dans le journal Nature Communications.  « La découverte simultanée de quatre sporophores de champignons de forme assez contemporaine atteste du fait que leur évolution s’est arrêtée pour une raison inconnue il y a quelque 120 millions d’années. Les champignons et les insectes ont semble-t-il établi des relations mutuellement avantageuses dès le Crétacé (une période géologique qui se termine par la disparition des dinosaures non aviens et de nombreuses autres formes de vie, ndlr) et n’ont pas changé depuis lors », estime Chenyang Cai de l’Institut de géologie et de paléontologie de Nankin (Chine) et ses collègues.  Les champignons ont fait leur apparition en même temps que les végétaux et les animaux, bien que leurs traces soient très difficilement retrouvables. Les premières traces de champignons datent du Carbonifère.  Les paléontologues ont réussi à ajouter à la collection cinq trouvailles uniques en leur genre : des sporophores confinés dans de l’ambre et qui ont été ainsi conservés. Tous les morceaux ont été découverts dans le nord du Myanmar. Outre les champignons, les scientifiques ont découvert des insectes (de l’espèce des Oxyporus), datant également de l’époque des dinosaures, qui sont beaucoup plus grands comparativement à leurs confrères d’aujourd’hui, atteignant presque deux centimètres de long, soit deux fois plus grands que leurs descendants.  Les sporophores découverts ressemblent bien à l’espèce des Dikarya, qui comprend les amanites, les russules et les girolles.  L’absence de changements anatomiques sérieux tant chez les insectes que chez les sporophores a laissé conclure que les deux groupes avaient commencé à coexister il y a des centaines de millions d’années, se servant les uns des autres pour survivre et se propager.

Des interventions filmées

Certaines affaires ont le mérite de faire bouger les lignes. Après plusieurs affaires d’interventions policières délicates, une nouvelle mesure a été mise en place : depuis le 1er mars, les policiers et gendarmes, dès lors qu’ils procèdent à des contrôles d’identité doivent tout enregistrer à l’aide de leurs caméras-piétons, dans quelques 23 zones de sécurité prioritaires. Parmi les 23 sites sélectionnés, figurent notamment des ZSP en petite et grande couronne de Paris, de même que des départements comme les Alpes-Maritimes.
Ce n’est pour l’heure qu’une expérimentation, qui doit d’ailleurs l’objet d’un décret qu’il reste à valider par le Conseil d’Etat. Mais c’est en soi un pas dans la bonne direction. Ce principe est en application depuis pas mal de temps dans certains pays, et a vraiment confirmé son efficacité. Le but de ce système est de calmer les relations dans le cadre d’un contrôle : les fonctionnaires peuvent ainsi prouver qu’ils ont respecté les règles, et les personnes contrôlées ont des images à disposition en cas d’abus. C’est donc un système où tout le monde est gagnant. Avantage supplémentaire, ces caméras permettent de ne pas retranscrire chaque intervention par écrit, ce qui réduit drastiquement la pesanteur administrative.A la fin de ce projet-test, les DG de la Police et de la Gendarmerie Nationales présenteront au ministre de l’Intérieur un rapport mesurant l’influence de ces témoins électroniques sur la bonne marche des contrôles d’identité. Si cette procédure est déployée à l’échelle nationale, des scandales comme celui de Théo en février dernier ne devraient donc plus défrayer la chronique. Voilà au moins une avancée positive que je garderai de ce gouvernement. D’autant que Bruno Le Roux a annoncé que les 2600 caméras seront bientôt doublées.

De Trump à l’Afrique du Sud

Disons-le tout net : le 45e président américain est à mon sens un danger public. Il faudrait l’enfermer entre quatre murs capitonnés pour l’empêcher de faire du mal, aux autres pays mais au sien aussi. Il en a encore fourni la preuve récemment : l’homme a eu des propos particulièrement venimeux envers l’Europe. A ses yeux, ce projet-là était en effet voué à l’échec. Des propos comme d’habitude non argumentés et assez ridicules. Pourtant, j’ai été surpris en voyant combien ses idées semblent avoir eu un impact chez certains. Il y a quelques jours, je me suis en effet rendu à Cape Town pour participer à un congrès. Et au cours de la soirée, j’ai parlé de cela avec certaines personnes présentes. Et certains soutenaient les déclarations du sémillant milliardaire ! Pour moi, ceux-là se laissent vraiment avoir grossièrement. Donald Trump malmène seulement le modèle européen afin de nous fragiliser. Ce qu’il veut véritablement, c’est le trépas de l’Europe pour arriver à ses propres fins. Comme Poutine, qui poursuit son oeuvre de propagande en ce sens depuis si longtemps. Les deux ont chacun leurs raisons. Poutine entend exterminer l’écueil européen qui se dresse sans cesse devant lui. Trump, quant à lui, et avec le pragmatisme qui le caractérise, rêve d’isoler chaque pays européen dans le seul but de pouvoir conclure avec lui des partenariats très lucratifs pour les américains. L’application vivante de « America first », en somme. Trump a de l’Europe une vision subjective : tout ce qui l’intéresse, c’est de remporter la mise. Néanmoins, en persiflant l’Europe de la sorte, il manque à mon sens d’une vue d’ensemble de la situation : l’UE importe pour près de 500 milliards de dollars de services américains par an. Faire preuve d’une telle ingérence est donc profondément déraisonnable, comme François Hollande n’a d’ailleurs pas manqué de l’en avertir. Avec le recul, le président américain ne paraît pas avoir une vision très précise de la situation géopolitique : ses provocations donnent souvent l’impression qu’il joue aux mikados avec des moufles. Et du fait de sa bêtise, son mandat sera, je crois, tout sauf ennuyeux. En tout cas, ce congrès était bien agréable. L’organisation était parfaitement maîtrisée, elle, et je vous laisse le lien vers le site de l’organisateur de ce séminaire à Cape Town.

Macron, ses erreurs et sa faute

170218

En cette fin de semaine le caractère scandaleux des déclarations de Macron en Algérie le 14 février, après environ deux jours de stupéfaction, soulève un vague de protestations légitimes que résume le titre en première page du Figaro le 17 février : « Colonisation : Macron provoque un tollé ».

L’avalanche des réponses indignées a atteint un tel niveau de mobilisation qu’on ne cherchera ici ni à les paraphraser ni même à les recenser. On notera simplement que leur répartition dans le champ politique ridiculise le propos psittaciste, tant de fois entendu et répété, selon lequel la droite et la gauche cela n’existe pas. La psittacose ça se soigne  (1)⇓.

Depuis un certain temps ses propres supporteurs commençaient à se demander si et quand ils seraient gratifiés du programme de leur candidat et néanmoins favori. L’intéressé lui-même était allé jusqu’à théoriser l’inutilité de l’exercice.

Or, en quelques jours l’ancien inspecteur des finances, l’ancien banquier d’affaires, l’ancien inspirateur économique de Hollande, l’ancien ministre, désormais candidat à la présidence a effectivement démontré dans la pratique que nous n’avons nul besoin de connaître sa plateforme électorale pour savoir à quoi nous en tenir.

Le virage révélateur avait commencé le 4 février par une stupéfiante négation : la culture française, cela n’existe pas. Exit Molière, exit La Fontaine, exit Pascal, exit Racine, exit Victor Hugo, etc. Seuls comptent sans doute les marchés financiers, leur franglais de bazar et les enquêtes par sondages. On se demande même pourquoi les moyens d’information se dispersent en parlant d’autre chose.

Le summum a donc été atteint avec les déclarations diffusées à Alger le 14 février sur la colonisation : « un crime, un crime contre l’humanité ». Sans être dupes de la destination électorale du propos, visant à récupérer le vote communautariste grâce auquel la gauche a gagné en 2012, on se permettra quand même de retenir l’outrage et la sottise de ce jugement.

D’excellents esprits ont pu, par le passé, et surtout en son temps critiquer la politique coloniale, la dénoncer comme une erreur, voire une injustice, souligner son coût, s’indigner des conséquences brutales de certains de ses aspects. Aucun Français digne de ce nom n’avait fait jusqu’ici référence au concept de crime contre l’humanité, dont peut-être Macron, Micron, et Mocron ignorent la portée juridique gravissime.

Sans nous étendre sur les litanies des noms de héros et de saints qui fécondèrent l’Empire, sans nous attarder à l’heureuse invention de la clémentine dans le département d’Oran, sans encombrer le lecteur de fioretti familiales, rappelons quelques souvenirs qui devraient quand même dire quelque chose aux connaissances historiques raréfiées de nos contemporains.

Criminel de guerre Charles de Foucauld ? Criminel de guerre le général Laperrine ? Criminels de guerre le maréchal Juin et les soldats de la Première Armée Française ? Criminel de guerre Savorgnan de Brazza ? Criminel de guerre le maréchal Lyautey ?

Était-il un criminel de guerre Albert Camus recevant son prix Nobel en 1956 et osant se revendiquer comme Français d’Algérie ? L’était-il quand il déclarait qu’entre la justice et sa mère il choisirait toujours sa mère ?

Macron aurait-il osé commettre la même déclaration à propos de l’Empire britannique partout dans le monde où ce bel édifice a laissé en héritage les fruits amers de sa politique de « diviser pour régner » mais aussi cette foule de rentes financières qu’on apprécie encore en la cité de Londres ? On hésite à poser la question.

Une interrogation en revanche ne fait pas mystère : celle de l’incompétence, de l’incongruité, de l’insignifiance de cette candidature à la succession de saint Louis, et même à celle d’Armand Fallières à la tête de ce qui reste de l’État français.

Signature

 

JG Malliarakis

Apostilles

  1. cf. Tintin au Congo.

Le « revenu universel d’existence » du candidat Benoit Hamon

Mr Benoit Hamon suggère d’accorder un revenu universel de 750 euros par mois de façon généralisée, spécialement de revenu, graduellement à l’ensemble de la population. Son montant annuel au final atteindrait 600 Mrds d’euros, ce qui fait la moitié des charges d’Etat. Le revenu universel est suggéré par des spécialistes que quelques-uns qualifieraient de Thatchériens, souvent en l’accouplant à une taxation relatif au revenu global pour le financer. Une charge au taux de 40 % pourrait par conséquent régler une dépense de 600 Md€. Cette formule, salaire d’existence et un impôt corrélatif, validerait, selon ses artisans, un plan de vie minimal à tout Français mais en l’exhortant à travailler davantage que dans le fonctionnement présent. En effet, tout euro additionnel encaissé par son emploi lui attribuerait 0,62 € après prélèvement alors que, maintenant, il encaisse en net simplement 0.47 € généralement, parce qu’il juge réduire ses indemnités sociales et accroître ses impositions et charges. Pour les spécialistes, ce revenu d’existence changerait un grand nombre des allocations sociales et des charges publics dont l’usage est individualisé. Chaque Français obtiendrait le minimum primordial pour subsister, le suppléerait par une activité professionnelle, le consommerait pour des prestations de son choix et préserverait de façon autonome contre tous les risques, particulièrement les courants risques de maladie. Le cumul des contributions sociales arrivant quasiment 600 Md€, le salaire d’existence n’augmenterait ainsi pas les charges sociales et saurait être acquitté sans revaloriser les prélèvements obligatoires. Il faudrait seulement transformer quelques-uns d’entre eux, particulièrement les prélèvements, par une contribution sociale à 37 %. L’État cesserait d’ intervenir pour délivrer des services aux communautés. Les répercussions de l’établissement d’un revenu d’existence sur l’efficacité des entreprises, la séduction du pays, l’investissement et l’responsabilité, ou aussi la fraude aux impôts et administrative, seraient incroyables. Ce n’est assurément pas le rêve de Mr Hamon, qui n’a pas affirmé la disparition de fonctions de l’Etat. Il est possible de toutefois concevoir que le revenu changerait les minima sociaux (autour de 24 Milliards €) et les allocations familiales (11 Mds euros), chaque descendant y assignant droit, mais ces diminutions de dépenses ne moduleraient pas l’existence de la difficulté : il faudrait augmenter les charges obligatoires d’environ 515 milliards €, donc de 54.5 %. Les implications de la création d’un revenu sur la compétitivité des entreprises économiques, l’attractivité du territoire, la participation et l’responsabilité, ou aussi la fraude fiscale et sociale, seraient affreuses.